mercredi 14 septembre 2011

Albert Camus

Les grandes idées, on l'a dit, viennent dans le monde sur des pattes de colombe. Peut-être alors, si nous prêtions l'oreille, entendrions-nous, au milieu du vacarme des empires et des nations, comme un faible bruit d'ailes, le doux remue-ménage de la vie et de l'espoir. Les uns diront que cet espoir est porté par un peuple, d'autres par un homme. Je crois qu'il est au contraire suscité, ranimé, entretenu, par des millions de solitaires dont les actions et les oeuvres, chaque jour, nient les frontières et les plus grossières apparences de l'histoire, pour faire resplendir fugitivement la vérité toujours menacée que chacun, sur ses souffrances et sur ses joies, élève pour tous.


Si la peur de la mort est une évidence, c’en est une autre que cette peur, si grande qu’elle soit, n’a jamais suffi à décourager les passions humaines.

[…]

Devant le crime, comment se définit notre civilisation ? La réponse est simple : depuis trente ans, les crimes d’Etat l’emportant de loin sur les crimes des individus. Je ne parle même pas des guerres, générales ou localisées, quoique le sang aussi soit un alcool, qui intoxique, à la longue, comme le plus chaleureux des vins. Il y a de moins en moins de condamnés de droit commun et de plus en plus de condamnés politiques.

[…]

Ceux qui font couler le plus de sang sont les mêmes qui croient avoir le droit, la logique et l’histoire avec eux.

[…]

Les lois sanglantes, a-t-on dit, ensanglantent les mœurs. Mais il arrive un état d’ignominie, pour une société donnée où, malgré tous les désordres, les mœurs ne parviennent jamais à être aussi sanglantes que les lois.

*

Se libérer de tout souci d’art et de forme. Retrouver le contact direct, sans intermédiaire, donc l’innocence. Oublier l’art ici, c’est s’oublier. Renoncer à soi non par la vertu. Au contraire, accepter son enfer. Celui qui veut être meilleur se préfère, celui qui veut jouir se préfère. Seul celui-là renonce à ce  qu’il est, à son moi, qui accepte ce qui vient avec les conséquences. Celui-là est alors en prise directe.

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La noblesse du métier d’écrivain est dans la résistance à l’oppression, donc au consentement à la solitude.


Bibliographie

- La femme adultère suivi de Les muets, Folio, 2009

- Discours de Suède, Folio, 1997

- Lettres à un ami allemand, Folio, 1991

- Le premier homme, Folio, 2000

- Réflexions sur la Guillotine, Folio plus philosophie, 2008

- L'homme révolté, Folio essais, 1985

- La chute, Folio, 1972

- Les justes, Folio, 1973

- La peste, Folio, 1972

- La mort heureuse, Folio, 2009

- Caligula suivi de Le malentendu, Folio, 1972

- Le mythe de Sisyphe, Folio essais, 1985

- L'étranger, Folio, 1971

- Noces suivi de L'été, Folio, 1972

- L'envers et l'endroit, Folio essais, 1986

- Oeuvres complètes I, 1931-1944, NRF Bibliothèque de la Pléïade, 2006

- Oeuvres complètes II, 1944-1948, NRF Bibliothèque de la Pléïade, 2006

- Oeuvres complètes III, 1949-1956, NRF Bibliothèque de la Pléïade, 2008

- Oeuvres complètes IV, 1957-1959, NRF Bibliothèque de la Pléïade, 2008

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Sur Albert Camus :

- Albert Camus et les libertaires (1948-1960), écrits rassemblés par Lou Marin, éditions Egrégores, 2008

- Lou Marin, Camus et sa critique libertaire de la violence, éditions Indigènes, 2010

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