dimanche 18 décembre 2011

Yannis Ritsos



Entre les chardons sauvages
un petit bouton d'or a dit "présent".
Que pouvais-tu faire?
Toi aussi tu as dit "présent".
Et il faisait beau.
.
Les mots ont une autre peau
à l'intérieur comme les amandes ou la patience.

*
Je quitterai
le blanc sommet enneigé
qui réchauffait d'un sourire nu
mon infini isolement.

Je secouerai de mes épaules
la cendre dorée des astres
comme les moineaux
secouent la neige
de leurs ailes.

Ainsi un homme, simple et intègre
ainsi tout joyeux et innocent
je passerai
sous les acacias en fleurs
de tes caresses
j'irai becqueter
la vitre rayonnante du printemps.

Je serai l'enfant doux
qui sourit aux choses
et à lui-même
sans réticence ni réserve.

Comme si je n'avais pas connu
les fronts mornes
des crépuscules de l'hiver
les ampoules
des maisons vides
et les passants solitaires
sous la lune
d'Août.

Un enfant.
.
J'avais fermé les yeux
pour scruter la lumière.

Aveugle.
J'avais brûlé la flamme
afin de respirer.

Les nuits
je guettais les bruissements du silence
et le soupir du sourire
ne connaissait pas le repentir.

Que je verse des larmes
sur mes mains diaphanes
d'une joie diaphane
qui ne désire pas.

Ni caresse. Ni rêve.
Plus au-delà.
Là où se dissout le rêve
et où l'usure s'est usée.

Et tu es venue toi.
.
Regarde ma bien-aimée
Comme te regardent
Mes mains attristées.
.
Allons dans les champs
Pour passer à nos doigts
Les coquelicots et le soleil
Et la verdure nouvelle.
.
Je goûte à tes lèvres
La verte étendue des plaines
Et les légendes de la mer.
La chaleur de ton corps
Me revêt de soleil.
.
Baigné des reflets
De l’espérance
D’une vie entière
De mes membres dégoulinaient
Des gouttes de soleil.
.
Je ferme les yeux.
Je vis et j’aime.
Une corde de musique
Tendue sur tes membres
Veille et répond
A la vigueur du ciel
Et de la terre.
.
Je suis né pour avoir le temps
De saluer au bout du chemin
Le soleil de tes yeux.
.
Mes chers semblables
Comment pouvez-vous
Encore vous courber ?
Comment pouvez-vous
Ne pas sourire ?

Ouvrez les fenêtres.


*

Bibliographie



- Papiers, Editeurs Français Réunis, 1976



- Tard, bien tard dans la nuit, éditions Le Temps des Cerises, 1995



- Erotica, Petite suite en rouge majeur, Nudité du corps, Parole de chair, éditions NRF Gallimard, coll. Du monde entier, 1984



- Chrysothémis, Phèdre, suivi de Le sondeur, Le heurtoir, éditions NRF Gallimard, coll. Du monde entier, 1980



- Le choral des pêcheurs d'éponges et autres poèmes, éditions NRF Gallimard, coll. Du monde entier, 1976



- Les vieilles femmes et la mer, éditions Fata Morgana, 1978



- Symphonie du printemps, éditions Bruno Doucey, 2012


1 commentaire:

  1. C'est toujours avec un immense plaisir que je consulte tes publications !
    Et aujourd'hui, je me permets de "partager" sur FB ce poème de Ritsos.
    Bien amicalement
    Gaby Ferréol

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