dimanche 5 février 2012

Victor Hugo


Ceux qui vivent sont ceux qui luttent

*

Nous, pasteurs des esprits, qui, du bord du chemin,

Regardons tous les pas que fait le genre humain,

Poètes, par nos chants, penseurs, par nos idées,

Hâtons vers la raison les âmes attardées!

*

Que peut-il ? Tout.

Qu’a-t-il fait ? Rien.

Avec cette pleine puissance,

en huit mois un homme de génie

eût changé la face de la France,

de l’Europe peut-être.

Seulement voilà, il a pris la France

et n’en sait rien faire.

Dieu sait pourtant que le Président se démène :

Il fait rage, il touche à tout, il court après les projets ;

ne pouvant créer, il décrète ;

il cherche à donner le change sur sa nullité ;

c’est le mouvement perpétuel ; mais, hélas !

Cette roue tourne à vide.

.

L’homme qui, après sa prise du pouvoir

a épousé une princesse étrangère

est un carriériste avantageux.

Il aime la gloriole, les paillettes, les grands mots,

ce qui sonne, ce qui brille, toutes les verroteries du pouvoir.

Il a pour lui l’argent, l’agio, la banque, la Bourse, le coffre-fort.

Il a des caprices, il faut qu’il les satisfasse.

Quand on mesure l’homme et qu’on le trouve si petit

et qu’ensuite on mesure le succès et qu’on le trouve énorme,

il est impossible que l’esprit n’éprouve pas quelque surprise.

On y ajoutera le cynisme car, la France, il la foule aux pieds,

Lui rit au nez, la brave, la nie, l’insulte et la bafoue !

.

Triste spectacle que celui du galop, à travers l’absurde,

D’un homme médiocre échappé.

*

Parfois, je me sens pris d'horreur pour cette terre;

Mon vers semble la bouche ouverte d'un cratère;

J'ai le farouche émoi

Que donne l'ouragan monstrueux au grand arbre;

Mon cœur prend feu; je sens tout ce que j'ai de marbre

Devenir lave en moi;

.

Quoi! rien de vrai! le scribe a pour appui le reître;

Toutes les robes, juge et vierge, femme et prêtre,

Mentent ou mentiront;

Le dogme boit du sang, l'autel bénit le crime;

Toutes les vérités, groupe triste et sublime,

Ont la rougeur au front;

.

La sinistre lueur des rois est sur nos têtes;

Le temple est plein d'enfer; la clarté de nos fêtes

Obscurcit le ciel bleu;

L'âme a le penchement d'un navire qui sombre;

Et les religions, à tâtons, ont dans l'ombre

Pris le démon pour Dieu!

.

Oh! qui me donnera des paroles terribles?

Oh! je déchirerai ces chartes et ces bibles,

Ces codes, ces korans!

Je pousserai le cri profond des catastrophes;

Et je vous saisirai, sophistes, dans mes strophes,

Dans mes ongles, tyrans.

.

Ainsi, frémissant, pâle, indigné, je bouillonne;

On ne sait quel essaim d'aigles noirs tourbillonne

Dans mon ciel embrasé;

Deuil! Guerre! Une euménide en mon âme éclose!

Quoi! le mal est partout! Je regarde une rose

Et je suis apaisé.

*

 Bibliographie

-               Quatre vingt-treize, éditions Jules Rouf et Cie
-               L’homme qui rit, éditions Jules Rouf et Cie
-               Les misérables Volume I, II, III, éditions Garnier Flammarion, 1967
-               Les travailleurs de la mer, éditions France Loisirs, 1997
-               Notre Dame de Paris, éditions Ernest Flammarion
-               Souvenirs politiques (1825 – 1847), éditions Georges Crès & Cie
-               Les voix intérieures et Les rayons et les ombres, éditions Nelson
-               Les voix intérieures, éditions J. Hetzel
-               Œuvre poétique, éditions Librairie Albin Michel
-               L’Art d’être grand-père, édition NRF Poésie/Gallimard, 2002

*

Sur internet

-           http://victorhugo.bnf.fr
-           http://www.poetes.com/hugo/

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