lundi 17 février 2014

Toni Morrison


Franck creusa un trou d’environ un mètre cinquante et large de quatre vingt dix centimètres. Il lui fallut manœuvrer car les racines du laurier résistaient à cette agression et se défendaient. Le soleil, devenu rouge, était sur le point de se coucher. Les moustiques tremblaient au-dessus de l’eau. Les abeilles étaient rentrées chez elles. Les lucioles attendaient la nuit. Et une légère odeur de grappes de muscat, picorées par les colibris, apaisa le fossoyeur. Quand enfin la chose fut faite, un vent bienvenu se leva. Frère et sœur glissèrent le cercueil aux couleurs pastel dans la tombe verticale. Lorsqu’elle fut recouverte de terre, Franck tira de sa poche le morceau de bois incrusté de sable et deux clous, qu’il enfonça à l’aide d’une grosse pierre pour le fixer à l’arbre. Un clou se recourba et devint inutile, mais l’autre tint suffisamment pour exposer les mots que Franck avait peints sur l’écriteau de bois.

Ici se dresse un homme.

Vœu pieu, peut-être, mais il aurait pu jurer que le laurier se faisait une joie d’acquiescer. Ses feuilles vert olive s’agitèrent en tous sens à la lueur d’un opulent soleil rouge cerise.
.
Je suis resté un long moment à contempler cet arbre.
Il avait l’air tellement fort
Tellement beau.
Blessé pile en son milieu
Mais vivant et bien portant.
Cee m’a touché l’épaule
Légèrement.
Franck ?
Oui ?
Viens, mon frère. On rentre à la maison.

*
Bibliographie



- Home, éditions 10/18, 2012




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