dimanche 16 février 2014

Alain Mabanckou


Lorsqu’on milite pour une cause, quelle qu’elle soit, on applique ses idées, ne serait-ce que pour montrer l’exemple.
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L’oiseau qui ne s’est jamais envolé de l’arbre sur lequel il est né comprendra-t-il le chant de son compère migrateur ? Nous avons besoin d’une confrontation, d’un face-à-face des cultures. Peu importe le lieu…
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Trop d’allégresse annonce souvent de prochaines intempéries. A force de jubiler, nous ne voyions pas que nous n’étions devenus nos propres maîtres que sur le papier.
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Un être indépendant est surtout et avant tout un être qui a choisi de se définir lui-même, et, par voie de conséquence, d’assumer cette définition.
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Quand la conscience est hantée par un fait historique, elle a tendance à se réfugier dans le mythe – et, du mythe à la mythomanie, le pas est très vite franchi.
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Le colonialisme est forcément un asservissement. L’Europe aura commis l’un des crimes les plus crapuleux de l’histoire en imposant sa vision du monde aux autres peuples.
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Les soleils des indépendances n’allaient pas tarder à recouvrir le ciel d’Afrique d’un nuage sombre. La prolifération des conflits ethniques, les assassinats politiques, les « coups d’Etat permanents », deviennent autant de spécificités africaines. Le mot démocratie semble banni du vocabulaire de nos dirigeants. La pauvreté attribuée au continent tranche avec l’inventaire des richesses du sous-sol laissées à l’exploitation de ceux-là même qui furent naguère les dominateurs. Et lorsqu’un pays  a la hardiesse de remettre les pendules à l’heure, l’ancienne puissance lui fabrique un opposant de toutes pièces. On lui donne les armes et on l’accompagne dans sa conquête du pouvoir. Pendant que les balles crépitent, les contrats se signent sous les tentes.
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En réalité – et c’est ce que je retiens de ce demi-siècle funeste de notre prétendue autonomie -, nous ne sommes pas les enfants des soleils des indépendances, nous sommes les enfants de l’après-génocide rwandais. Un génocide rendu possible par une colonisation qui s’est perpétuée jusqu’à nos jours par des moyens détournés. L’Afrique n’a jamais été aussi tributaire de ses anciens maîtres. Pour le grand malheur de ses populations. Mais au-delà de la responsabilité qu’on peut imputer à l’Occident, les Africains sont également présents au banc des accusés…

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Bibliographie




- Le sanglot de l’homme noir, éditions Fayard, Points, 2012


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