Eclats.
Ce sont des mouvements, une agitation excitée, désordonnée, une fièvre d’hommes
pressés d’aller – et, dans le brouillard de cet automne à l’infini, un
grouillement fantomatique de formes sans cohésion autre qu’un conglomérat de
hasard. Nul ne pourrait dire où le conduit la marche, vers quoi l’on s’avance
ni même, à proprement parler, si le but est une offensive, un repli
stratégique, une retraite humiliée.
*
Il
se voyait fauteur du mal et du malheur. Il reconnaissait les gestes. Il
reconnaissait les ombres – et le passage obscur de son être d’où était née la
nécessaire image de sa sœur. Elle était sa création. Il l’avait identifiée de
poème en poème – forme de son tourment, horizon de la beauté qu’il traquait
dans les mots. Mais dans le même temps, elle l’avait créé, lui.
*
Elle
avait ouvert la fenêtre comme pour respirer la lumière. Le ciel était très
sombre, bleu marine au bord de l’horizon et son entaille, par laquelle coulait
tout le sang du soleil, s’amenuisait, s’obscurcissait rapidement en une sourde
lueur.
Elle
se tenait penchée largement par-dessus la barre d’appui et comme, à la vitesse
d’un éclair et avec la précision d’une mémoire soudain ressuscitée, se
dessinait, dans la fente de l’heure, à son regard entier, brûlée par le temps,
transverbérée, l’image d’une petite fille allongée, nue, dans le miroir d’un
grenier, face à une ombre qui la contemplait -, elle se précipita sans un cri
dans le vide. Et son corps s’écrasa, rebondit et retomba, replié.
*
Bibliographie
-
Blesse,
ronce noire, éditions José Corti, Les Massicotés,
2004
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