dimanche 16 janvier 2022

Poésie des profondeurs

 





À propos de Sommeils, de Robert Desnos, éditions NRF Poésie:Gallimard, 2021


Voici que Robert Desnos entre en sommeil. 

De cette profondeur jaillissent mots et illustrations sur bouts de papier épars.

Que André Breton recueille avec soin et conserve, bien au-delà de la fin atroce au camp de Teresienstadt, en Tchécoslovaquie.


CI GÎT etc…



LA COULEUR DE l’éternité n’A PAS DE NOM



ETERNITE

DEFENSE                                                D’AFFICHER

FRAPPEZ

FORT


(Écrit sous hypnose du  29 octobre 1922)


Les feuillets dorment dans les archives Breton puis sortent de l’ombre : une première version de Sommeils de Robert Desnos fut publiée partiellement chez Jean-Michel Place en 2015.

Une version augmentée est parue dans la collection Poésie, chez Gallimard, sous la direction de Christophe Langlois.


Ces documents, oeuvre de Robert Desnos au cours des expériences hypnotiques menées sous la direction de André Breton, nous ouvrent les fondements du surréalisme mais peut-être aussi ceux de la poésie elle-même.

Ces bribes de textes et leur illustration nous posent question : l’écriture poétique tient-elle seulement d’un geste littéraire esthétique, ou d’une forme de communication avec les substrats inconscients qui nous font percevoir le monde à la fois dans sa réalité la plus crue et dans sa dimension parfaitement onirique ?

Du monde réel au monde rêvé, la poésie jette des ponts.

Que sais-je de ce qui va jaillir avant de l’avoir écrit ?

Je contemple après coup les lignes que tracent les mots sur la page blanche.

Me voici perplexe, lisant ce que je ne suis pas convaincu d’avoir écrit.

Ce qui vient du poème plonge aux profondeurs de l’être, de la vie.

Bien sûr fut le rythme qui permettait de transmettre de bouche à lèvres, le lien que les humains pouvaient ou non entretenir entre eux, et avec le monde naturel qui vit leur émergence.

Mais il y eut aussi ce long chemin intérieur qui fit de l’hominidé un humain, qui lentement le mena à prendre parole et donc à en perpétuer l’esprit et la lettre.

Avec ces Sommeils, de Robert Desnos, on touche à cet essence qui se parle bien au-delà de la parole, une écriture qui se trouve indissociablement liée aux graphismes comme hiéroglyphes témoignants de la vie intérieure du poète.

Or, il n’est de vie intérieure qu’en lien avec un monde, un univers, un environnement qui nous façonnent, laissent leurs traces mnésiques au plus profond de nos êtres.

Desnos, ainsi, certains jours, se faisait prémonitoire quant à son propre destin.

De l’avis de ceux qui assistaient aux séances, il était celui qui allait le plus loin dans l’hypnose, qui permettait à son inconscient d’exprimer le plus d’états d’où jaillissaient à la fois le texte et le graphisme.

Nous tenons là, avec la publication de ces feuillets en Poésie/Gallimard, une source précieuse sur l’expérience surréaliste mais aussi poétique dans son essence.


Xavier Lainé


Manosque, 16 janvier 2022


 

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