jeudi 13 mai 2021

Lire la Commune 2


 À propos de : Le cri du peuple, de Tardi et Vautrin ; « les damnés de la Commune », de Raphaël Meyssan ; « Communardes », de Lupano Fourquemin, Mazel et Jean ; « Rouges estampes », de Jean-Louis Robert Carole Trésor et Nicola Gobbi


Je disais la difficulté à commémorer la Commune.

Je disais même ma répugnance à cette commémoration et mon attrait pour en faire vivre et revivre les idées maîtresses.

Après de brèves ouvertures entre 1792 et 1793, en 1830, 1848, elle fut le premier évènement notoire d’accès du peuple ouvrier (au sens large) à l’Histoire.

Une intrusion que, bien sur, la bourgeoisie thermidorienne, ayant donné naissance à la dictature napoléonienne, puis au rétablissement de la monarchie, ne pouvait tolérer.






C’est de cette intrusion foisonnante du peuple dans la grande histoire dont les bandes dessinées rendent compte.

Elles nous disent cette irruption soudaine d’un autre monde possible, jetant à bas les esprits de domination sans partage.

Ainsi, dans « Le cri du peuple », de Tardi et Vautrin, on suit pas à pas cette construction fragile, son exubérance heureuse, jusqu’à cette semaine sanglante où quarante mille communards et communardes furent fusillés, tandis que les cadavres de vieillards, de femmes et d’enfants tués sur les barricades pourrissaient dans les rues et dans les fosses communes.

Tout l’art de la bande dessinées trouve ici son expression : nous faire vivre de l’intérieur un évènement que les vainqueurs voulurent et veulent encore rayer des livres d’histoire.






On retrouve cette veine en toute beauté dans les trois volumes signés Raphaël Meyssan, « Les damnés de la Commune », mis en forme, partiellement, de documentaire pour la chaine ARTE (Arte documentaire Les damnés de la Commune). Une oeuvre magistrale, dessinée selon les techniques d’époque de la gravure de presse et d’illustration.






Parti à le recherche de Lavalette, membre du comité central de la Commune, on croise un peuple de Paris fier de sa prise de pouvoir, persuadé de sa raison sans avoir conscience des fragilités naïves qui poussait les responsables à croire impossible que des soldats français, tirent sur leurs compatriotes.






Ils croyaient bien pouvoir triompher. C’est la mort, le sang et la déportation qu’ils trouvèrent au bout de leur chemin.

Et la tentative d’effacer à tout jamais les hauts fait d’un peuple conscient de sa force et de ses idées en rupture avec le monde ancien.






Les femmes n’y furent pas en reste avec en tête l’icône Louise Michel. 

Elle ne fut pas seule. Nombre de femmes s’investirent aux côtés des gardes républicaines et des communards, tant dans la constitution de cette brève république sociale, que dans la défense des barricades contre la folie meurtrière des versaillais.






La commune vit pour la première fois, à quelques exceptions près lors des révolutions de 1789, 1830, 1848, l’irruption des femmes revendiquant leur égalité au sein même des institutions.

On vit aussi pour la première fois leur rôle plein et entier, à l’égal des hommes, reconnu par les institutions de la Commune.

Lupano et ses associés nous invitent sur leurs traces. Encore une facette à laquelle l’art de la bande dessinée nous donne accès avec brio.






Enfin, et de façon sans doute un peu plus anecdotique (mais on ne peut pas douter que la période communarde eut aussi son lot d’anecdotes et de faits divers plus ou moins sordides, on pourra lire « Rouges estampes », de Jean-Louis Robert, Carole Trébor et Nicola Gobbi.

Voilà une entrée en matière façon polar avec une enquête policière menée par un commissaire nommé par le comité central de la Commune qui, en traversant les évènements de ce mois de mai hallucinant, suit la trace d’un noble criminel que la police officielle ne cherchait pas vraiment à confondre.

La commissaire nommé est un artiste graveur et la connaissance de son art lui permettra de résoudre l’énigme à l’instant où les versaillais triomphent dans le sang répandu, mettant un terme à l’enquête.






Ainsi, la bande dessinée se trouve à l’aise pour nous inviter à voyager dans cette intense période de l’histoire. Il faut tout l’art du dessin et du scénario pour nous faire pénétrer dans ce monde éclatant où des écrivains et des artistes se trouvent promus dirigeants, aux côtés des prolétaires, d’une république sociale visionnaire.

On conçoit que les versaillais aujourd’hui au pouvoir puissent mettre autant de hargne à saboter les acquis, ultérieurement conquis, dont les prémisses jalonnaient les décisions de la Commune. 

On conçoit aussi que ceux-là n’aient aucune envie d’en commémorer la mémoire.

Paix à leur âme, nous nous chargerons de cette mémoire et garderons vif le flambeau des idées généreuses.


Xavier Lainé


13 Mai 2021





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