lundi 9 avril 2012

Gisèle Sapiro

L’exercice de l’activité littéraire ne requiert aucun « droit d’entrée » formel. Elle ne suppose pas d’apprentissage technique comparable à celui des artistes ou des musiciens. Si elle nécessite une certaine éducation, il ne s’agit pas d’une compétence certifiée, sanctionnée par des titres scolaires, comme dans le cas des professions juridiques ou des enseignants. La représentation de l’écrivain comme un être libre s’enracine dans un fait social.

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Ne représentant pas une institution, le prophète doit subir seul la sanction de la société.

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S’il en est encore, surtout parmi les conservateurs, pour penser que la lecture et l’accès au savoir constituent en eux-mêmes un danger, ce qui se joue est surtout la lutte de concurrence entre l’Eglise, l’Etat, les partis politiques et les entrepreneurs culturels pour la captation et le contrôle de ce nouveau public. Cette période [Ndl : le second Empire] voit en effet la première dissociation stricte entre culture populaire et culture scolaire, fruit de l’invention du livre scolaire, qui génère un nouveau marché éditorial que Louis Hachette a su exploiter.

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La propriété, la fortune, l’appartenance aux classes dominantes constituent en soi des garanties de moralité dans les procès de l’époque [Ndl : le second Empire] (et aujourd’hui encore), tandis que l’honnêteté, la situation matrimoniale, le dévouement familial, la bonne réputation sont les seuls gages que peuvent fournir ceux qui en sont dépourvus.

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Un écrivain qui abdique sa liberté ou celle de ses lecteurs s’aliène.

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La liberté d’écrire implique […] la liberté du citoyen. L’art de la prose ne peut s’accommoder de tous les régimes mais doit être solidaire du régime démocratique, le seul où il garde du sens. Si la responsabilité est l’aboutissement de la liberté créatrice, l’écrivain a en retour pour responsabilité de garantir la liberté.

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La responsabilité de l’écrivain diffère de celle de l’homme politique. Le politique ne peut réaliser la liberté que par la violence. Certes, il y a aussi une violence possible des mots, qu’illustrent la propagande ou la publicité, mais la littérature s’en démarque précisément parce qu’elle est un « appel dépourvu de violence à la liberté ».

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L’autonomie par rapport à la morale ou à l’idéologie dominante est en tous cas la condition de ce questionnement de nos schèmes de perception, d’action et d’évaluation du monde qui, sans lui, continueraient à aller de soi. Là réside la responsabilité de l’écrivain. 

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Bibliographie

-          La responsabilité de l’écrivain, éditions du Seuil, 2011

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