jeudi 9 mai 2013

Pierre Bourdieu


Le travail du poète, qui est l’homme des situations extrêmes, des situations de conflits, des situations tragiques où tout le monde a raison et tort, est de réconcilier le groupe avec l’image officielle du groupe, spécialement lorsque le groupe est obligé de transgresser l’image officielle du groupe.
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Dans les années 1880, on disait ouvertement à l’Assemblée nationale ce que la sociologie a dû redécouvrir, à savoir que le système scolaire devait éliminer les enfants des couches les plus défavorisées. Dans les commencements, on posait la question qui ensuite a été complètement refoulée puisque le système scolaire s’est mis à faire sans qu’on le lui demande, ce qu’on attendait de lui. Donc pas besoin d’en parler.
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Le désintéressement n’est pas une vertu secondaire : c’est la vertu politique de tous les mandataires. Les frasques de curés, les scandales politiques sont l’effondrement de cette sorte de croyance politique dans laquelle tout le monde est de mauvaise foi, la croyance étant une sorte de mauvaise foi collective, au sens sartrien : un jeu dans lequel tout le monde se ment et ment à d’autres en sachant qu’ils se mentent. C’est cela l’officiel…
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La représentation positiviste de la science qui demande presque aux savants de ne jamais rien avancer qu’ils ne puissent aussitôt démontrer exerce un effet terrifiant de castration et de mutilation de l’esprit.
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Par démission positiviste, au lieu de chercher la vérité où elle est, on la cherche sous le lampadaire, là où on peut la voir…
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Pour que le travailleur soit exploitable, il faut qu’il soit libre – Marx a très bien souligné ce paradoxe - , il faut qu’il soit libéré de ses relations de dépendance personnelle à l’égard de l’employeur pour devenir travailleur libre, jeté sur la marché, pour y être soumis à une autre forme de domination, impersonnelle, anonyme, qui s’exerce sur des individus interchangeables.
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Nous ne recommençons pas à chaque instant notre histoire ; un pays non plus.
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Qualitatives/quantitatives : ces oppositions ne sont neutres ni socialement ni sexuellement et ont des effets tout à fait funestes. Outre que les spécialistes des sciences molles peuvent singer les signes extérieurs des sciences dures et obtenir des profits symboliques à bon compte, un danger plus grave réside dans le fait que les spécialistes des sciences dures, avec la complicité d’une fraction des spécialistes des sciences molles, peuvent imposer une conception de la logique des choses historiques qui n’est pas conforme à la réalité.
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Celui qui ne se plie pas aux règles du cosmos capitaliste, s’il est patron, il tombe en faillite, et s’il est travailleur, il est renvoyé hors du jeu.
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Les agents sociaux sont agissants, actifs, mais c’est l’histoire qui agit à travers eux, l’histoire dont ils sont le produit. Ce qui ne veut pas dire qu’ils sont totalement dépendants.
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La culture légitime est la culture garantie par l’Etat, garantie par cette institution qui garantit les titres de culture, qui délivre les diplômes garantissant la possession d’une culture garantie.
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Le processus même par lequel on gagne en universalité s’accompagne d’une concentration de l’universalité.
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Cette culture est légitime parce qu’elle se présente comme universelle, offerte à tous, parce que, au nom de cette universalité, on peut éliminer sans crainte ceux qui ne la possèdent pas. Cette culture, qui apparemment unit et en réalité divise, est un des grands instruments de domination puisqu’il y a ceux qui ont le monopole de cette culture, monopole terrible puisqu’on ne peut pas reprocher à cette culture d’être particulière. Même la culture scientifique ne fait que pousser le paradoxe à sa limite. Les conditions de la constitution de cet universel, de son accumulation, sont inséparables des conditions de la constitution d’une caste, d’une noblesse d’Etat, de « monopolisateurs » de l’universel.
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Si on ne sait rien on ne voit rien et, si on sait, on risque de ne voir que ce qu’on sait.
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Il n’y a pas de différence de nature entre le racket et l’impôt.
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La science doit écarter certains problèmes pour penser, mais elle peut les garder à l’esprit pour le quart d’heure métaphysique.
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Le travail de la science consiste à démonter le mécanisme pour comprendre pourquoi ça fonctionne. Et donc je dois postuler qu’il y a de la raison, même si elle n’est pas rationnelle, même si cette raison est au service de fins qui déplaisent.
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C’est un des problèmes des rapports entre scientifiques et littéraires : les scientifiques, même les biologistes, lorsqu’ils ont à juger les travaux d’historiens, de sociologues, n’ont pas toujours les bons critères de jugement parce qu’ils appliquent à des sciences qui ont pour objet des raisons tout à fait particulières un seul principe d’évaluation : la raison mathématique, la raison logique, la raison formelle.
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L’Etat a partie liée avec le contrôle de toute manifestation publique, surtout concernant le monde public. Par définition, l’Etat n’aime pas les journaux satiriques, la caricature. Aujourd’hui, l’Etat traite cela de manière très habile, mais ce n’est pas parce que la censure est invisible qu’elle n’existe pas ; elle est peut-être encore plus forte que lorsqu’elle s’exerçait avec des gendarmes.
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La violence symbolique est parfaite : c’est une violence qui s’exerce grâce à l’inconscience parfaite de ceux sur qui elle s’exerce, donc leur complicité.
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L’Etat n’est pas un simple instrument de coercition, mais un instrument de production et de reproduction du consensus, chargé de régulations morales.
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En sociologie comme dans toutes les sciences, le progrès de la science peut être bloqué par de fausses rigueurs formelles préalables, qui peuvent avoir un effet de fermeture.
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Dans les sciences, l’apparat formaliste est souvent contre-productif scientifiquement.
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La contrainte qu’exerce l’Etat sur la plus intime de nos pensées, le fait que notre pensée puisse être habitée par l’Etat constituent l’exemple même des coercitions « invisibles » qui s’exercent avec la complicité de ceux qui la subissent. C’est ce que j’appelle la violence symbolique ou la domination symbolique, c’est-à-dire des formes de contrainte qui reposent sur des accords non conscients entre les structures objectives et les structures mentales.
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Cette école qui se perçoit comme universelle, surtout l’école française – en dehors de la volonté, de la conscience et de la responsabilité des enseignants -, est un grand instrument de constitution d’émotions nationales, de ces choses « qu’on est les seuls à pouvoir sentir », pour lesquelles on est prêt à mourir comme pour l’orthographe.
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Nul n’est censé ignorer la loi culturelle, c’est au fond ce qu’enseigne l’école.
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Les gens les plus incultes s’efforcent de se conformer à une légitimité culturelle qu’ils sont absolument incapables de satisfaire. Si la connaissance de la culture est très inégalement distribuée, la reconnaissance de la culture est par contre très largement répandue ; et à travers cela, la reconnaissance de tout ce que la culture garantit : la supériorité des gens cultivés sur ceux qui ne le sont pas ; le fait que les énarques occupent les postes de pouvoir, etc. – toutes choses qui sont indirectement garanties par le capital culturel.
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L’institution culturelle est un des lieux du nationalisme.
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Les Etats-nations se sont constitués selon des processus du même type, par une sorte de construction artificielle d’une culture artificielle.
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Si nous avons des réactions d’ultranationalisme fascistoïde, c’est parce que nous sommes de grands universalistes dominateurs en déclin…
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La culture est un instrument de légitimation et de domination.
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Ce n’est pas nécessairement en lisant des livres théoriques qu’on produit de la théorie.
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le dominé connaît et reconnaît : l’acte d’obéissance suppose un acte de connaissance, qui est en même temps un acte de reconnaissance. Dans reconnaissance, il y a évidemment « connaissance » : cela veut dire que celui qui se soumet, qui obéit, qui se plie à un ordre ou à une discipline, opère une action cognitive.
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Les actes de soumission et d’obéissance sont des actes cognitifs qui, en tant que tels, mettent en œuvre des structures cognitives, des catégories de perception, des schèmes de perception, des principes de vision et de division.
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Le fait que l’Etat parvienne à s’imposer aussi facilement ne tient-il pas à ce qu’il est en mesure d’imposer les structures cognitives selon lesquelles il est pensé ?
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L’Etat est cette institution qui a le pouvoir extraordinaire de produire un monde social ordonné sans nécessairement donner d’ordres, sans exercer de coercition permanente.
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En inculquant – en grande partie à travers le système scolaire – des structures cognitives communes, tacitement évaluatives (on ne peut pas dire blanc et noir sans dire tacitement que blanc est mieux que noir), en les produisant, en les reproduisant, en les faisant reconnaître profondément, en les faisant incorporer, l’Etat apporte une contribution essentielle à la reproduction de l’ordre symbolique qui contribue de manière déterminante à l’ordre social et à sa reproduction. Imposer des structures cognitives et évaluatives identiques, c’est fonder un consensus sur le sens du monde.
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La représentation que nous avons du système scolaire comme lieu de distribution de compétences et de diplômes sanctionnant la compétence est si forte qu’il faut une certaine audace pour rappeler que c’est aussi un lieu de consécration, un lieu où l’on institue des différences entre les consacrés et les non-consacrés, entre les élus et les éliminés.
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Le système scolaire, qui est sans cesse mis en question, qui ne cesse de s’interroger, est fondamentalement à l’abri de la mise en question, en grande partie des maîtres et des élèves. N’ayant pas connu d’autre système scolaire que celui dans lequel ils sont, ils en reproduisent l’essentiel sans le savoir : ce qu’ils ont eux-mêmes subi sans savoir qu’ils l’ont subi.
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Il n’y a rien de plus extraordinaire que de reproduire les privations le cœur content.
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Le système scolaire institue non seulement des gens objectivement hiérarchisés, des divisions objectives dans le monde du travail, une division du travail légitime, mais il institue en même temps dans les esprits soumis à son action des principes de vision et de division conformes à ces divisions objectives.
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L’Etat structure l’ordre social lui-même – l’emploi des temps, le budget-temps, nos agendas, toute notre vie est structurée par l’Etat – et, du même coup, notre pensée.
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On peut se demander si le modèle bureaucratique, avec la logique de la délégation, en particulier du contrôle, n’implique pas, presque inévitablement – en tant que sociologue, j’ai horreur de dire ça -, mais presque inévitablement, à titre de propension très puissante, la menace du détournement d’autorité, du détournement de pouvoir, en particulier de toutes les formes de corruption.
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L’accumulation, par le même pouvoir central, de différentes espèces de capital engendre une sorte de méta-capital, c’est-à-dire un capital qui a la propriété particulière d’exercer du pouvoir sur le capital. Cela peut paraître spéculatif et abstrait, mais c’est important. Entre autres définitions possibles, on pourrait dire que l’Etat est meta, que c’est un pouvoir au-dessus des pouvoirs.
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Constituer une force publique, c’est retirer l’usage de la force à ceux qui ne sont pas du côté de l’Etat. De même, constituer un capital culturel à base scolaire, c’est renvoyer dans l’ignorance et la barbarie ceux qui n’ont pas le capital ; constituer un capital de type religieux, c’est renvoyer dans un statut de profane les non-clercs.
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Dans le champ économique, la fiscalité est liée à la construction d’un capital économique central, d’un trésor en quelque sorte central qui donne au détenteur de ce trésor un pouvoir : il a le droit de battre monnaie, il a le droit de fixer les cours, il a le droit de prendre des décisions économiques, etc. La constitution de ce pouvoir économique central donne à l’Etat le pouvoir de contribuer à la construction d’un espace économique autonome, à la construction de la nation comme espace économique unifié.
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L’institutionnalisation de l’impôt est l’aboutissement d’une sorte de guerre intérieure menée par les agents de l’Etat contre les résistances des sujets.
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On se découvre comme sujet en se découvrant comme imposable, contribuable.
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La construction de l’Etat est en grande partie une invention mentale.
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Il faut avoir à l’esprit que l’impôt est un racket légitime, c’est-à-dire méconnu comme tel, donc reconnu comme légitime.
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Si la théorie a un tel pouvoir de séduction sur un jeune penseur, c’est parce qu’il rêve d’être général…
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On peut consacrer vingt ans à une œuvre sans passer dans les médias alors qu’il y a de plus en plus de gens qui font des œuvres pour passer, à l’automne suivant, à la télévision.
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L’école, qui est la forme la plus avancée du monopole dans le domaine culturel, a aussi un envers de dépossession : le système scolaire produit l’inculte, le dépossédé culturel.
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Il y a un décalage entre la distribution universelle des exigences culturelles et la distribution très particulière des moyens de satisfaire à ces exigences. C’est ce décalage qui fait que l’intégration, dans le cas de l’école, est inséparable de la domination.
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Si la sociologie de la culture a une dimension critique, si elle peut sembler très violente, c’est parce qu’elle fait apparaître, à des gens qui se veulent humanistes, qu’une partie des humains sont dépossédés de leur humanité au nom de la culture. S’il est vrai que la culture est universelle, il n’est pas normal que tout le monde n’ait pas accès à l’universel, qu’on universalise pas les conditions d’accès à l’universel.
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Une partie très importante de l’humanité est dépossédée des conquêtes les plus universelles de l’humanité. C’est un constat et c’est normal de le faire.
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L’Etat produit un nationalisme dominant, le nationalisme de ceux qui ont intérêt à l’Etat ; il peut être discret de bonne compagnie, ne pas s’affirmer de manière outrancière. L’Etat produit chez ceux qui sont victimes de la deuxième face du processus, chez ceux qui sont dépossédés par la construction de l’Etat-nation, des nationalismes induits, réactionnels : ceux qui avaient une langue et n’ont plus qu’un accent stigmatisé (comme les Occitans).
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Le pouvoir de nomination est un pouvoir de création sociale, qui fait exister la personne nommée conformément à la nomination.
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Il faut penser que les gens d’en haut, les principaux, ont des moyens de prélever des profits d’une autre nature et d’un autre ordre de grandeur que les petits intermédiaires de base qui se débrouillent pour les rouler sur un point…
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Les « purs » sont donc à la fois suspectés, combattus, diffamés, et en même temps admirés, parce qu’on ne peut pas ne pas reconnaître qu’ils rendent hommage, fût-ce hypocritement, aux vertus que tout le monde célèbre officiellement…
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On peut se demander si ce n’est pas à travers l’appropriation privée du public que s’opère le détournement vers le nationalisme de ce qu’il peut y avoir d’universel ou d’universaliste dans l’Etat.
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La Révolution a été une occasion de régler, par la violence physique, des comptes qui se règlent d’ordinaire par la violence symbolique.
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Très souvent, les dominants peuvent contribuer à ébranler les fondements de leur domination, parce que, pris par la logique du jeu, si l’on peut dire, par la logique des luttes dans un champ, ils peuvent oublier qu’ils vont un peu trop loin et que ce qu’ils disent peut être repris par un roturier qui n’est pas dans le champ, qui n’a ni capital nobiliaire ni capital savant. Cet aveuglement, ou illusion, est ce que j’appelle l’illusio, cet aveuglement lié à l’investissement dans un champ et qui est un des principes explicatifs du dépérissement des élites.
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Le fait de rendre nommable l’innommable, c’est se donner la possibilité de le faire exister, de faire connaître et reconnaître, de légitimer. Dans de nombreux cas, le pouvoir des mots et le pouvoir sur les mots sont des pouvoirs politiques ; à la limite, le pouvoir politique est pour une grande part un pouvoir par les mots, dans la mesure où les mots sont les instruments de construction de la réalité. Et dans la mesure où la politique est une lutte sur les principes de vision et de division du monde social, le fait d’imposer un nouveau langage à propos du monde social, c’est, pour une grande part, changer la réalité.
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Le travail de construction de la réalité sociale est un travail collectif, mais tout le monde n’y contribue pas au même degré. Il y a des gens qui ont plus de poids dans les luttes symboliques pour le pouvoir de construire la réalité sociale que d’autres.
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Selon le mot des Kabyles, le poète est celui qui dit : « il y a toujours une porte. » toute règle a sa porte. C’est celui qui est capable d’énoncer, dans le langage de la règle, la transgression de la règle : c’est aussi un des grands rôles des juristes. Pour cela, il faut connaître spécialement bien la règle et, en plus, être mandaté comme détenteur de la règle, donc être seul légitimé à la transgresser.
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Aujourd’hui, on assiste à un retour des formes les plus « primitives » de l’histoire des idées, c’est à dire à une sorte d’histoire idéaliste des idées, comme l’histoire religieuse de la religion, par exemple. Dans cette régression méthodologique, on retient bien la relation entre les idées et les institutions, mais on oublie que ces idées elles-mêmes sont issues des luttes à l’intérieur des institutions, et que c’est à condition de voir qu’elles sont à la fois le produit de conditions sociales et productrices de réalités sociales, constructrices de la réalité sociale, que l’on peut les comprendre complètement.
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Un apprentissage réussi est un apprentissage qui se fait oublier.
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Cette noblesse de robe qui, longtemps avant la Révolution, a élaboré une nouvelle vision de l’Etat, qui a créé tout un univers de notions – comme la notion de République-, va devenir catégorie dominante, noblesse d’Etat, en faisant l’Etat territorial et la nation unifiée. Autrement dit, son triomphe est le triomphe de l’Etat moderne, de l’Etat national, de l’Etat-nation. Cette noblesse d’Etat va donc à la fois produire cette nouvelle institution et s’approprier le quasi-monopole des profits spécifiques associés à cette institution.
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La monopolisation du capital juridique et du capital étatique, à travers la condition d’accès au capital étatique qu’est le capital culturel, a permis la perpétuation d’un groupe dominant dont le pouvoir repose en grande partie sur le capital culturel – d’où l’importance de toutes les analyses qui montrent la relation entre la distribution du capital culturel et la position dans l’espace social. Toutes les analyses de l’école sont en fait des analyses de l’Etat et de la reproduction de l’Etat.
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La nation est une incarnation imaginaire du peuple, une autoreprésentations nationale, et cette autoreprésentation repose sur l’exhibition de ce que le peuple a en commun : langue, histoire, paysage, etc.
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En faisant l’Etat, les juristes ont fait, non pas la nation, mais les conditions sociales de production de la nation.
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Malheureusement, la logique du débat politique n’a rien à voir avec la logique du débat scientifique. Et on est loin du moment où on pourra faire en sorte que les politiques aient intérêt à la vertu…
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Le Parlement est donc bien ce lieu de consensus réglé ou de dissensus, et peut-être surtout des manières d’exprimer le dissensus. Des gens qui n’ont pas les bonnes manières d’exprimer le dissensus sont exclus de la vie politique légitime.
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Encore aujourd’hui, les intellectuels français ont une arrogance insupportable pour la plupart des nations étrangères, parce que, pour le meilleur et pour le pire, ils se pensent porteurs de l’universel.
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Les dominés ont le choix entre sortir, s’exclure, faire dissidence, faire sécession, ou protester, ce qui est une manière d’être dans le système.
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Les dominés forcent en quelque sorte les dominants à faire des concessions, et, pour une grande part, ces concessions, associées à la menace de sécession, portent sur ce qu’on appelle le social et les avantages sociaux.
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Il y a un travail systématique auquel les idéologues qu’on lit beaucoup dans les gazettes participent considérablement ; il y a tout un travail de déconstruction d’une morale collective, d’une morale publique, d’une philosophie de la responsabilité collective, etc.
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La dissolution de la conviction que l’Etat est juste, qu’il exprime le divin, s’accompagne de deux phénomènes apparemment sans lien : d’une part, le développement de la corruption et, d’autre part, le développement de la piété personnelle.
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Bibliographie


- Sur l’Etat, cours au Collège de France 1989-1992, éditions du Seuil, raisons d’agir, Cours et travaux, 2012
Les règles de l’art, éditions du Seuil, Points Essais, 1992, 1998


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