Quand
les experts sont perdus, ils font des questionnaires pour les malades ;
avec l’espoir qu’un trait statistique apparaisse et jette sa lueur sur les
causes du mystère.
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Epidémie,
vient de demos, peuple ; c’est ce qui pèse sur le peuple ; même
racine que démocratie. C’est elle qu’il faut approfondir, repenser.
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La
démocratie ce n’est pas le pouvoir du peuple, c’est le pouvoir de faire des
choses, qu’on soit individu ou groupe, sans que cela mette le lien social en
danger ou en alerte.
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Le
grand trou déborde, celui où le travail c’est d’être chômeur. L’entreprise
Chômage est celle qui emploie le plus de monde ; assez bien autogérée
autour du vide qu’elle produit.
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Quand
on est lové sur soi mentalement, plein de son vide ou de sa détresse, on n’est
capable que d’un seul lien, le lien à soi, enroulé sur soi jusqu’à
l’étouffement. Quand d’autres vous voient dans cet état, ils peuvent vous
trouver gonflé, inaccessible…, ils ne voient pas que vous êtes surtout
tranquillement désespéré.
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Trop
d’œuvres qui attendent, c’est trop de souffrance pour le monde.
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Chacun
sait que ce qu’on paie c’est moins le travail que le fait d’en répondre. Eh
bien les chômeurs sont ceux qu’on ne questionne même plus.
Du
coup, entre ceux qu’on ne questionne plus, ceux qui travaillent et ceux chez
qui ça ne répond plus, il y a peut-être… place pour penser ou repenser
l’essentiel, notamment ce qu’il en est de « trouver sa place »
dans la vie, et de certains déplacements que cela exige.
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Celui
qui ne se trompe pas est à lui seul une grosse tromperie.
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Le
drame, pour beaucoup, aujourd’hui est qu’il n’y a même pas de quoi faire un
« oedipe » : le père est déjà « mort », ou alors il
fait le mort.
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Créer
c’est rendre son dernier souffle en forme de premier souffle renouvelé. Ce don
du souffle défie le biologique et l’effet de corps à l’état brut.
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Ce
qu’un pervers sait faire de mieux, c’est s’infiltrer dans un montage et le
détourner à ses fins. Et c’est encore plus facile si le montage en question
(entre masses et média) est déjà pervers ou ne combat pas assez la perversion
qu’il sécrète.
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Ceux
dont on disait qu’ils n’ont rien à perdre que leurs chaînes y tiennent pour ça,
parce que sans elles ils n’auraient rien ; rien qui les tienne.
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De
nos jours un souverain ne devrait avoir rien d’achevé à protéger mais des
fonctions vives à maintenir, rattachées à leur possible.
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Un
souverain n’a qu’à protéger le possible, c’est à dire l’usage du verbe pouvoir.
Ceux qui se croient tenus de protéger l’impossible, au point de devenir
eux-mêmes « impossibles », ce sont les impuissants, les impotents du
cœur.
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Ils
arrivent, font l’événement comme qui dirait font les idiots, et quand ils s’en
vont, l’événement s’en va avec, il s’efface au moyen de ce qui leur servait à
l’inscrire…
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Des
porte-parole croient que la foule boit leurs paroles quand elle sirote
seulement sa présence, sa jubilation d’être, et sa détresse d’en être là, à
chercher dans le noir des liens minimaux.
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Les
hommes politiques usent de mots qu’ils usent jusqu’à la corde ; ils
prennent leur souffle, profondément, et leur buée dépasse rarement la gestion
de ce qui est. Or un peuple aspire à autre chose.
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L’absence
d’événement est un traumatisme silencieux.
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C’est
curieux mais on l’oublie : une révolution c’est d’abord fait pour rompre
avec un ordre usé, révolu ; pour en finir avec, et non pour combler
l’avenir avec un nouvel idéal, qui se révèle souvent morbide puisqu’il fige
l’avenir qu’on voulait libérer.
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On
jouit mal de nos richesses mais il est vital qu’elles existent. Nos libertés
sont modestes, mais qu’elles s’éclipsent et on étouffe.
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Une
des folies de la raison est de se croire fondatrice ; elle a déjà assez à
faire d’être auxiliaire des volontés.
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Que
le refus d’entendre et de dire devienne un symptôme planétaire, voilà qui n’est
pas banal.
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La
beauté est ce par quoi l’amour prend corps, et marque un corps de son passage…
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La
liberté, tout le monde en pince pour, même ceux qui la retirent aux autres.
Elle n’est pas affaire d’opinion, elle est vécue ou pas.
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Jamais
le décalage entre ce qui se passe et ce qui se dit n’a paru aussi énorme ;
presque indécent.
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Ces
confusions, ces lourdeurs font partie du grand malaise, où ce qui se passe révèle
des abîmes de non-dit, et où ce qui se dit est sourd à ce qui se passe.
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Quand
le non-dit pèse sur un évènement crucial, ce non-dit se transmet et devient un
bloc figé pour un homme ou un collectif. D'où des passages à l'acte aveugles,
exprimant d'autres malaises inexpliqués, un mal à vivre opaque, des désirs de
retour à une origine pure; du cynisme aussi, du Rien où tout semble aller
"bien" alors que rien ne va. Sur ce bloc durci, les messages de
bonnes intentions ne "prennent" pas, ne s'inscrivent pas. Il s'agit
plutôt d'irriguer la mémoire desséchée, pour redonner vie à une trame
subjective, affective, à une texture de pensée et de modes d'être; pour aider à
se repérer symboliquement, à trouver place. Un tel travail de mémoire aurait
pour effet, non de culpabiliser des jeunes (après tout, ce n'est pas eux qui
ont fait ça), mais de les soulager d'un poids qu'ils portent confusément, sans
le savoir, dans le rien et le malaise. Et ce trou de mémoire que j'évoque n'est
qu'un exemple d'une impasse plus générale dans la transmission symbolique, qui
produit des gens "sans histoire", donc sans avenir.
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On
ne peut pas se flatter de réduire un peuple au silence ; et d’oublier ses
cris. Tout symptôme est une détresse de la mémoire.
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Faire
coïncider le légal et le légitime permet que la loi symbolique se referme comme
le clapet d’un règlement ; c’est le rêve de tous les intégristes,
débonnaires ou crispés, qui exploitent pour s’affirmer tout dérapage de la
liberté. En tout cas un Ordre, s’il veut remédier au danger principal (où
« n’importe qui s’installe ») est un remède pire que le mal ; et
s’il veut combattre d’autres abus, c’est qu’il veut doubler les flics, le fisc,
les juges, l’Etat ; et c’est inutile.
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La
peur de perdre son identité, ou de n’en avoir pas une assez forte déclenche, on
le sait, de grosses soifs de pouvoir, comme si seul le pouvoir identifiait.
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C’est
un symptôme très « actuel » que de vouloir réglementer justement
ça : l’impossible à réglementer.
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Avoir
réponse à tout c’est ne répondre à rien ; c’est se retrouver avec rien,
avec sa question abyssale sous forme de rien, la même question en forme de
vide, d’angoisse, de béance, que l’on cherche à combler avec ce qu’on trouve,
avec ce qui tombe sous la main ou qu’on fabrique exprès pour ça : lien
fétiche, appartenance, idéologie, croyance, symptôme…
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L’identité
est une mutation, un processus. Ceux qui supportent d’en manquer la voient
parfois leur revenir et se donner à eux en plus : comme une grâce. Les
autres, les toxicos de l’identité, s’abîment dans celle qu’ils acquièrent, et
sur laquelle ils se cramponnent.
Le
danger c’est l’absence d’esprit de recherche et de vraie confrontation.
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En
fait, tout le monde est en psychanalyse, chez un analyste innommable, d’une
ironie aigre-douce, qui s’appelle la vie, et qui vous renvoie de temps à autre
en pleine figure des interprétations d’une telle vacherie que l’on préfère
rester sourd, fermer les yeux… Et c’est ainsi que l’on devient
« bête », c’est-à-dire simplement très en deçà de ce que l’on
est ; un étonnant rétrécissement, très progressif, mais très sensible, car
la pensée est là, juste à côté ; elle devine, elle est toute prête à
questionner, à secouer les choses, n’était cette peur de tout renverser comme
un château de cartes.
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Simple
constat : il y a dans notre société des gens qui souffrent de ne pas
trouver à qui parler, qui sont comme des radeaux en détresse que nul sauvetage
« technique » ne rattrape car ils retournent au même naufrage, et qui
ont donc un besoin vital d’être entendus par des oreilles averties, des
analystes en somme, qui puissent les aider à trouver place dans leur vie.
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Il
paraît que des « neuro-physio » cherchent de quoi couper les circuits
de l’angoisse. Répétons-le, quand ils y seront arrivés, ce sera vraiment très
angoissant.
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Sans
label de reconnaissance, qui suppose de votre part un renoncement réel,
sincère, à l’originalité (celle de ne pas jouer leur jeu), vous êtes simplement
écarté, banni, couvert de silence ; non pas envoyé en tôle, ce n’est pas
utile, mais neutralisé, du côté des « mas media », de la presse, de l’image…
Côté édition ça passe encore, tout juste, vu qu’il reste quelques
« fous » dans ce milieu qui s’offrent des caprices… et encore il faut
qu’ils se battent, avec l’ « officiel » (ce mot désigne ce qui
se « fait », le service d’office, le fonctionnement).
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Un
créateur qui fait semblant de se châtrer ne peut qu’énerver les
« Officiels » qui se sont châtrés réellement. Le
« culturel » c’est ce qui peut les faire valoir, sinon il ne vaut
rien. Pour écarter l’original, ils invoquent non pas leur haine de
l’originalité mais la bêtise ambiante, le bas niveau des autres :
« la mercière » ne comprendra pas. Et voilà cette pauvre femme
devenue gourdin « raciste » pour mater ce qui dépasse.
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L’homme-Officiel
ne se fie qu’à ce qu’il fait lui-même. Il coupe des liens vivants pour rétablir
ceux qu’il maîtrise.
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Les
prothèses culturelles pourront-elles entamer tout ce Rien ? avec leurs
techniciens de la culture, thérapeutes de la création, ingénieurs de
l’animation, mécaniciens de l’initiative, plombiers de l’impulsion ?
traitements durs pour grandes mollesses ? bureaucratie culturelle ne
diffusant qu’elle-même ?
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L’œuvre
est un sillage d’amour de l’être, elle veut bien traverser le vide et se passer
de reconnaissance, elle est elle-même un signe de reconnaissance envers
l’événement d’être qui l’a rendue nécessaire. Elle est l’ingérable d’une
passion avec l’être.
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C’est
souvent en combattant pour ses valeurs que l’homme se dévalorise le plus.
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La
vérité vaut mieux qu’un titre, et elle est sans domicile fixe, comme l’amour.
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Il
est fort possible que « Dieu » - au sens minimal de l’être, l’être de
ce qui est – soit une affaire trop sérieuse pour être laissée aux
religieux ; et que la connaissance du réel soit un enjeu trop multiforme
pour être laissée aux seules sciences.
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Les
vrais écrivains le savent : en marge des étirements et des écoulements
scripturaux, le vif de l’écriture se fait à l’instant, aux crépitements
survoltés du temps.
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On
ne peut pas penser loin lorsqu’on s’identifie à sa pensée, et qu’on veut la
voir s’incarner : en soi.
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Contrairement
au credo nihiliste (y a plus de mémoire, plus d’histoire, plus de penseurs…),
il y aura donc toujours des penseurs, même s’ils n’ont à penser que la
difficulté de penser.
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Les
problèmes avec l’origine sont permanents, ils vous relancent comme une douleur,
et comme une promesse d’avenir.
Revivre
un temps de son origine pour à la fois s’en libérer tout en prenant appui sur
lui, c’est le geste humain par excellence.
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L’origine
n’est ni un fantasme ni un pur réel ; on en passe sans cesse par elle
chaque fois qu’il s’agit d’être original, c’est-à-dire soi-même. L’originalité
est une mise en acte créatrice de l’origine.
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L’Occident
ne connaît pas l’islam ; grosse lacune. Il se peut que l’Islam aussi ait à
se connaître à travers le temps écoulé. Mais l’Occident doit reprendre la
mesure de ses « valeurs », notamment
du droit de l’homme, qui est d’abord droit d’avoir tort, droit d’être en
tort sans que le Ciel nous tombe dessus ; sans que le lien social
n’explose.
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Le
partage est essentiel à toute expérience du désir, car l’objet de désir non
seulement dit notre partage avec l’Autre, mais notre partage avec nous-mêmes,
au point que l’enjeu du désir est moins de posséder tel objet que d’en
supporter le partage… sans craquer.
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Tout
le monde a des fantasmes, et
« assez fous » de préférence pour justement n’être pas fou. La
violence est quand le fantasme passe à l’acte et entraîne dans le vide ceux
qu’il a exaltés.
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La
Loi est faite pour libérer les hommes – de l’esclavage, du chaos, du n’importe
quoi. Si elle les avilit ou si elle les rend esclaves, c’est que le rapport
même à la Loi s’est perverti, et qu’il faut le repenser.
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Bibliographie
- Evènements
I Psychopathologie du quotidien, éditions du Seuil, Points Essais, 1995
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