La représentation fictive
d’une action, d’une expérience, nous dispense généralement de tenter de les
accomplir sur le plan réel et en nous-mêmes.
.
L’artiste n’a pas – ou le
poète- pour fonction de trouver la solution pratique des problèmes du mal.
Qu’ils acceptent d’être maudits. Ils y perdront leur âme, s’ils en ont une, ça
ne fait rien. Mais l’œuvre sera une explosion active, un acte à partir duquel
le public réagit, comme il veut, comme il peut. Si dans l’œuvre d’art le
« bien » doit apparaître, c’est par la grâce des pouvoirs du chant,
dont la vigueur, à elle seule, saura magnifier le mal exposé.
.
Quelques poètes, de nos
jours, se livrent à une très curieuse opération : ils chantent le Peuple,
la Liberté, la Révolution, etc., qui, d’être chantés sont précipités puis
cloués sur un ciel abstrait où ils figurent, déconfits et dégonflés, en de
difformes constellations. Désincarnés, ils deviennent intouchables. Comment les
approcher, les aimer, les vivre, s’ils sont expédiés si magnifiquement loin ?
Ecrits, parfois somptueusement, ils deviennent les signes constitutifs d’un
poème, la poésie étant nostalgie et le chant détruisant son prétexte, nos
poètes tuent ce qu’ils voudraient faire vivre.
.
Sa Majesté est retirée
dans une chambre, solitaire. La désobéissance de son peuple l’attriste. Elle
brode un mouchoir. En voici le dessin : les quatre coins seront ornés de
têtes de pavots. Au centre du mouchoir, toujours brodé en soie bleu pâle, il y
aura un cygne, arrêté sur l’eau. C’est ici seulement que Sa Majesté
s’inquiète : sera-ce l’eau d’un lac, d’un étang, d’une mare ? Ou
simplement d’un bac ou d’une tasse ? C’est un grave problème.
.
Quand la vie s’en va, les
mains se rattachent à un drap. Que signifie ce chiffon quand vous allez
pénétrer dans la fixité providentielle ?
*
Dans l'antre de mon œil
nichent les araignées
Un pâtre se désole à ma
porte et des cris
S'élèvent de la feuille
angoissée où j'écris
Car mes mains sont enfin
de mes larmes baignées.
*
Bibliographie
- Le Balcon,
éditions Gallimard Folio, 1997
- Le condamné à mort et autres poèmes, suivi de Le funambule,
éditions NRF Poésie/Gallimard, 1999
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Qui que vous soyez, vous êtes le bienvenu, avec vos commentaires qui sont modérés. Il vous faudra attendre avec patience leur modération pour les voir apparaître au bas de chaque article. Merci de votre compréhension