dimanche 29 janvier 2012

Jean Genet


La représentation fictive d’une action, d’une expérience, nous dispense généralement de tenter de les accomplir sur le plan réel et en nous-mêmes.
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L’artiste n’a pas – ou le poète- pour fonction de trouver la solution pratique des problèmes du mal. Qu’ils acceptent d’être maudits. Ils y perdront leur âme, s’ils en ont une, ça ne fait rien. Mais l’œuvre sera une explosion active, un acte à partir duquel le public réagit, comme il veut, comme il peut. Si dans l’œuvre d’art le « bien » doit apparaître, c’est par la grâce des pouvoirs du chant, dont la vigueur, à elle seule, saura magnifier le mal exposé.
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Quelques poètes, de nos jours, se livrent à une très curieuse opération : ils chantent le Peuple, la Liberté, la Révolution, etc., qui, d’être chantés sont précipités puis cloués sur un ciel abstrait où ils figurent, déconfits et dégonflés, en de difformes constellations. Désincarnés, ils deviennent intouchables. Comment les approcher, les aimer, les vivre, s’ils sont expédiés si magnifiquement loin ? Ecrits, parfois somptueusement, ils deviennent les signes constitutifs d’un poème, la poésie étant nostalgie et le chant détruisant son prétexte, nos poètes tuent ce qu’ils voudraient faire vivre.
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Sa Majesté est retirée dans une chambre, solitaire. La désobéissance de son peuple l’attriste. Elle brode un mouchoir. En voici le dessin : les quatre coins seront ornés de têtes de pavots. Au centre du mouchoir, toujours brodé en soie bleu pâle, il y aura un cygne, arrêté sur l’eau. C’est ici seulement que Sa Majesté s’inquiète : sera-ce l’eau d’un lac, d’un étang, d’une mare ? Ou simplement d’un bac ou d’une tasse ? C’est un grave problème.
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Quand la vie s’en va, les mains se rattachent à un drap. Que signifie ce chiffon quand vous allez pénétrer dans la fixité providentielle ?

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Dans l'antre de mon œil nichent les araignées
Un pâtre se désole à ma porte et des cris
S'élèvent de la feuille angoissée où j'écris
Car mes mains sont enfin de mes larmes baignées.

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Bibliographie




-       Le Balcon, éditions Gallimard Folio, 1997



-   Le condamné à mort et autres poèmes, suivi de Le funambule, éditions NRF Poésie/Gallimard, 1999



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