Ecrire, ce n'est pas
boycotter, n'est-ce pas ? Ecrire, c'est dire ce qu'on réprouve,
ce qu'on approuve, accords mineurs ou désaccords majeurs déposés
au creux d'une page qui va demeurer, bien plus longtemps que celui
qui y dépose ses mots.
Qu'ai-je fait donc de ce
petit carnet jaune où vous aviez consigné votre programme ? Et
comment ai-je pu passer tout ce temps sans même trouver le temps de
l'ouvrir ?
J'en ai pourtant ouvert,
des livres et des programmes, tout ce temps révolu. Mais le vôtre
point : comme si j'avais l'assurance, comme peut-être le
pensent beaucoup de mes voisins plus ou moins proches, que tout ceci
n'était pas pour moi.
Car, voyez-vous, nous
avons beau travailler (quand nous avons la chance d'avoir un
travail), bien difficile de libérer argent et temps pour vous rendre
visite.
Mais ce n'est qu'argument
fallacieux, et vous aurez raison de le souligner.
Sans doute faut-il creuser plus profond pour être sûr de découvrir ce qui provoque le rejet, ce qui fait que résolument je me tiens hors champ de vos « Correspondances » qui, sinon par la présnece des « écritoires » n'ont que très peu à voir avec ce qu'elles proclament.
Sans doute faut-il creuser plus profond pour être sûr de découvrir ce qui provoque le rejet, ce qui fait que résolument je me tiens hors champ de vos « Correspondances » qui, sinon par la présnece des « écritoires » n'ont que très peu à voir avec ce qu'elles proclament.
Nous vivons un temps qui
va ainsi qu'il ne dit plus ce qu'il fait, qu'il proclame autre chose
que ce qu'il traduit en actes.
Prenez la maison de
poésie de Paris si chère à Pierre Seghers, par exemple :
depuis son changement de direction, il faut y chercher la poésie
dans les recoins.
Bien d'accord avec vous
que la poésie n'intéresse que peu de monde, avec son par-terre de
poètes abscons, de paroles confuses, échafaudées en psalmodies
incompréhensibles à la plupart.
Et je vais me mettre à
dos votre public enseignant en disant que désormais, il en est tant
qui sorte de l'école sans la moindre compréhension de la langue
qu'ils exercent que, peu à peu, votre public ne pourra que se
réduire comme peau de chagrin.
Je ne sais pas si vous
l'avez constaté, mais il semble bien que le monde va résolument
mal. Et l'été qui vient de se clore en cataractes de pluies pour
votre inauguration ne fait qu'apporter eau au moulin de ma critique.
Deux options s'offrent
donc :
- celle de regarder en face les faits, lire, écrire, se réunir et réfléchir ensemble pour tirer les leçons du désastre et inventer quelque hasardeuse solution
- celle de se distraire, comme nous y invitent médias, maisons d'édition, écrivains bien gentils et bien polis, chanteurs clonés façon télé-réalité.
De quel côté
penchez-vous ?
Pourtant je lis,
voyez-vous, je lis beaucoup : demandez donc à ma libraire
préférée le budget que je lui laisse, à longueur d'années. Mais
je n'arrive pas à me convaincre que je trouverai, dans le
nombrilisme culturel, réflexion propice à me nourrir.
Pendant qu'on se trucide
au nom de l'argent ou de quelques dieux, en ce monde devenu criminel,
nous assisterons une fois de plus à la psychanalyse des écritures
plongées au moule du divertissement. Vous serez ravi de voir du
monde défiler dans les rues. Nombre sont déjà là, arrivés avec
leurs valises, hier, qu'ils boucleront dimanche pour nous laisser à
notre désert bien pensant.
Nos édiles seront content qu'on parle d'eux et de leurs mirobolantes « programmations ».
Comme si la culture relevait d'un « programme » !
Nos édiles seront content qu'on parle d'eux et de leurs mirobolantes « programmations ».
Comme si la culture relevait d'un « programme » !
Alors voyez-vous, sans
boycotter je voudrais dire d'entrée que je ne me reconnais pas dans
votre grand-messe, parce qu'elle ne me parle pas de la vie comme elle
ne va pas, comme elle pourrait aller si, au lieu de chercher à me
distraire, vos écrivains, prête-noms des groupes financiers qui
parrainent leurs œuvres, m'invitaient à quelque salutaire
réflexion.
© Xavier Lainé
25 septembre 2014
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