La crise n’est pas dans les choses, elle
est dans les esprits.
.
La « crise » domine tout et, en
même temps, tout est dominé par la recherche du bien-être.
.
La substantialité même de la conscience, ce
qui fait son existence et son sens, est le désir et le « souhait »,
le mouvement vers la perfection, la plénitude et l’idéal.
.
L’action s’invente à partir de
l’imagination d’un monde meilleur et, par conséquent, à partir de l’avenir. Et
celui-ci est notre œuvre, loin qu’il soit le résultat nécessaire et mécanique
d’un passé qui ne ferait ainsi que se répéter lui-même dans un avenir sans
avenir.
.
La crise est le moment culminant d’une
insatisfaction, d’une contradiction intérieure ou d’une souffrance.
.
Le sujet qui s’embarque pour son voyage vers
le bonheur, c’est-à-dire vers la plénitude de sa propre réalisation, n’est pas
seulement le sujet intellectuel de la connaissance et de la réflexion, c’est
aussi le sujet du désir.
.
Le combat
pour le bonheur et la liberté ne disparaît pas devant la pensée du
déterminisme ; il est au contraire rendu possible par le levée de ces
contradictions apparentes entre déterminisme et liberté.
.
La conscience n’est ni une chose ni une
machine. Elle est « substantielle » par le désir, et consciente par
la réflexion.
.
Parce que le désir est la substance
qualitative de la conscience, il est en même temps la substance de la liberté.
.
La philosophie est un couronnement. La joie
de fonder sa vie par la compréhension de soi et par la connaissance peut
commencer à s’exprimer au contact de ce qu’il est convenu d’appeler la culture.
.
Seule la relation concrète à autrui offre à
l’individu la pleine justification de son existence et, par conséquent, la
réalisation concrète des promesses de la philosophie. La Plénitude et la
signification aux quelles aspire le désir d’être ne peuvent trouver leur pleine
réalisation que par ces relations vivantes que sont l’amitié, la coopération
active ou l’amour.
.
Le plaisir limité à l’instant sombre dans
l’absurde et l’angoisse. Pour se révéler comme élément de la joie, il doit être
lui-même le moment d’une activité, l’un des aspects d’une action plus durable
et enveloppante : comme le plaisir d’amour ne prend son sens que par la
joie de l’amour et de la relation vive et permanente, le plaisir esthétique ne
prend tout son sens qu’à l’intérieur d’une activité durable : pratique
d’un art ou contemplation habituelle et durable d’une ou de plusieurs formes
d’art.
.
Agir est une joie parce que l’action est
construction et expression de soi en même temps que communication avec autrui
et participation réjouissante à la vie commune de la société.
.
C’est par la création que la conscience est
en mesure de se réjouir de sa propre activité.
.
Toute œuvre n’est pas source de joie, toute
action n’est pas œuvre de vie : seules la création et l’action déployées
dans la perspective de la joie, c’est-à-dire de la liberté généreuse et de la
réciprocité dynamique, peuvent livrer toute leur richesse, c’est-à-dire induire
chez leurs auteurs la joie même de l’expression, de la création et de la
communication.
.
Qu’elle soit scientifique, médicale ou
philosophique, qu’elle soit esthétique, littéraire, ou simplement empirique
comme dans l’artisanat ou l’industrie, la recherche est aussi, par elle-même,
source de joie. Car elle est toujours une sorte de quête. Elle exprime toujours
le mouvement même de la conscience vers une plus grande consistance par
l’accroissement de son savoir et vers une plus grande liberté par la maîtrise
de son avenir.
.
Le sujet du bonheur, c’est-à-dire
l’individu concret ayant décidé de construire sa vie comme vie heureuse, sur la
base de ses activités et de ses expériences substantielles, doit cependant
opérer un choix : toutes ces activités ne peuvent être exercées
simultanément, toutes ces expériences ne peuvent être vécues dans un seul
temps. Certes, la plénitude idéale de l’existence devrait intégrer à la fois la
philosophie et l’amour, l’exercice d’un art et la recherche scientifique, la
rêverie contemplative et le voyage de découverte, la quête existentielle et
l’action politique. Ces activités, ces voies, sont comme les Portes d’or qui
conduiraient au Royaume, ou dans les Demeures de l’être.
Mais, si elles ne peuvent être ouvertes ou
parcourues simultanément, chacune de ces voies conduit au Domaine, et chacune
de ces Portes ouvre sur lui.
.
Toutes les Portes d’or ouvrent donc sur
l’Etre, et toutes les voies réfléchies conduisent au Domaine. Chacun doit
seulement inventer la formule de son alchimie, c’est-à-dire la synthèse
originale et singulière des voies qui le conduiront au Domaine, ainsi que
l’accord resplendissant de ses Portes. (On aurait donc raison de dire que
chacun doit inventer le contenu de son bonheur, à la condition que soit
respectée une triple exigence : prise en compte du désir, exercice
constant de la réflexion et référence impérieuse à la réciprocité.)
.
S’il arrive que certains meurent au seuil
du Domaine, ou de la Terre promise, sans y entrer, ce n’est pas que les
« Portes de la Loi » soient fermées, c’est que le voyageur a pensé
que les Portes ouvertes ne lui étaient pas destinées.
.
Pour qu’il parvienne à l’Etre, c’est-à-dire
à une forme de l’existence qui mérite d’être désignée par un terme dont le sens
implique l’autosuffisance d’une plénitude active (comme c’est le cas pour le
verbe être), il faut simplement que le sujet s’avise de sa liberté véritable.
Lui-même fait son malheur ou sa joie ; lui-même, entièrement libre et
responsable, décide de son mouvement et de son repos, de son inertie ou bien de
son dynamisme. C’est que la conscience s’accorde toujours à ce qu’elle croit, c’est-à-dire
toujours aussi à ce qu’elle instaure et à ce qu’elle crée.
*
Bibliographie
- Le bonheur, essai sur la joie, éditions
Cécile Defaut, 2011
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Qui que vous soyez, vous êtes le bienvenu, avec vos commentaires qui sont modérés. Il vous faudra attendre avec patience leur modération pour les voir apparaître au bas de chaque article. Merci de votre compréhension