À propos du dictionnaire de la commune, de Bernard Noël
Je ne savais pas trop comment parler de la Commune.
Alors, j’ai repris le Dictionnaire de la commune de Bernard Noël, posé là, dans ma bibliothèque depuis sa parution en 2001 aux éditions Mémoire du livre.
La Commune, cet évènement insaisissable depuis 150 ans qui échappe à toute commémoration tant il reste douloureux dans nos mémoires de lutte.
Après les thermidoriens de 1793 qui n’ont jamais vraiment lâché la pression, noyant dans les sang les révoltes de 1830 et de 1848, leurs héritiers à l’Assemblée Nationale, sous la figure de Thiers, ne pouvaient que faire un bain de sang de cet instant qui ne fut pas seulement parisien, mais qui ouvrit pour la première fois dans l’histoire, la perspective d’une véritable démocratie au service du peuple, une démocratie sociale.
Une démocratie sociale, voilà qui ne pouvait que faire frémir les bourgeois victorieux depuis 93 et qui entendait dominer l’espace d’une République qui, à leurs yeux, ne pouvait que demeurer à leur service.
Les mêmes qui renversèrent 1789 à leur profit, oscillant entre royalisme à l’ancienne, bonapartisme de bon aloi, néo-libéralisme aujourd’hui, le principal étant que leurs profits soient saufs, ne pouvaient supporter que leur dictature économique puisse être contredite.
Mais comment lire un évènement aussi divers et multiple que la volonté du peuple d’entrer sur la scène de l’histoire ?
« La vérité d’un évènement se limite au fait qu’il a eu lieu. C’est donc son « avoir lieu » qu’il faut saisir, autrement dit tous les aspects de sa survenue dans leur concomitance. Mais voilà très exactement ce que ne peut pas faire l’écriture qui, condamnée au successif, doit développer une chose après l’autre et donner de la ligne là où il serait nécessaire de produire des précipitations. »
La vie a du mal à entrer dans un mode d’expression linéaire.
Écrire, lire, c’est suivre cette ligne qui va d’un point A à un point B et qui ne connaît pas l’embrouillamini, les circonvolutions, les contractions et les dilatations de l’espace et du temps.
Les convulsions de l’histoire n’entrent que difficilement entre deux couvertures, elles sont, dans leur complexité même inconciliables avec la linéarité de l’écriture.
C’est tout l’intérêt du dictionnaire de la Commune, oeuvre monumentale de Bernard Noël qui vient de nous quitter.
Cette oeuvre là va demeurer comme un phare donnant lisibilité à l’illisible d’un mouvement social situé dans une époque, certes, mais qui ne cesse d’interroger notre présent.
Car la Commune est une plaie ouverte dans le mouvement ouvrier, au coeur même de la dynamique qui permettrait au mot démocratie de puiser à sa source : un pouvoir par et pour le peuple.
Chaque expérience, chaque volonté explicite du peuple de prendre ce qui lui revient, c’est-à-dire non seulement parole mais pouvoir se heurte, partout dans le monde, à la barbarie financière qui n’hésite pas à noyer dans le sang toute velléité de faire entendre « le cri du peuple ».
Le Dictionnaire de la Commune, de Bernard Noël a connu de multiples éditions, pour en connaître la gestation et la vie, on peut s’en référer au site de l’atelier Bernard Noël : L'Atelier Bernard Noël/Dictionnaire de la Commune
Une ultime éditions vient de paraître aux éditions L’Amourier : Editions L'Amourier/Dictionnaire de la Commune
L’ouvrage est incontournable à qui veut tenter de comprendre l’insaisissable mouvement qui travaille les peuples dans leur profondeur lorsqu’ils veulent s’affranchir de la tutelle d’une bourgeoisie qui ne tolère aucune parole contraire.
Xavier Lainé
7 mai 2021
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