dimanche 20 octobre 2019

Edouard louis

Qui a tué mon père


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Si l’on considère la politique comme le gouvernement de vivants par d’autres vivants, et l’existence des individus à l’intérieur d’une communauté qu’ils n’ont pas choisie, alors, la politique, c’est la distinction entre des populations à la vie soutenue, encouragée, protégée, et des populations exposées à la mort, à la persécution, au meurtre.

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Le plus incompréhensible, c’est que même ceux qui ne parviennent pas toujours à respecter les normes et règles imposées par le monde s’acharnent à les faire respecter.

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Ce qu’on appelle l’Histoire n’est que l’histoire de la reproduction des mêmes émotions, des mêmes joies à travers les corps et le temps.

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Nous ne sommes pas ce que nous faisons, mais, au contraire nous sommes ce que nous n’avons pas fait, parce que le monde, ou la société, nous en a empêchés.

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L’histoire qu’on enseignait à l’école n’était pas ton histoire à toi. On nous apprenait l’histoire du monde et tu étais tenu à l’écart du monde.

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Il y a ceux à qui la jeunesse est donnée et ceux qui ne peuvent que s’acharner à la voler.

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Il n’y a que ceux à qui on donne tout depuis toujours qui peuvent avoir un vrai sentiment de possession, pas les autres. La possession n’est pas quelque chose qu’on peut acquérir.

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Il y a plus d’objets que de personnes dans nos souvenirs.

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J’ai oublié presque tout ce que je t’ai dit quand je suis venu te voir, la dernière fois, mais je me souviens de tout ce que je ne t’ai pas dit. D’une manière générale, quand je repense au passé et à notre vie commune, je me souviens avant tout de ce que je ne t’ai pas dit, mes souvenirs sont ceux de ce qui n’a pas eu lieu.

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Les autres, le monde, la justice n’arrêtent pas de nous venger sans se rendre compte que leur vengeance ne nous aide pas mais nous détruit. Ils pensent nous sauver avec leur vengeance mais ils nous détruisent.

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Plus rien n’était inattendu parce que tu n’attendais plus rien, plus rien n’était violent puisque la violence, tu ne l’appelais pas violence, tu l’appelais la vie, tu ne l’appelais pas, elle était là, elle était.

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Chez ceux qui ont tout, je n’ai jamais vu de famille aller voir la mer pour fêter une décision politique, parce que pour eux la politique ne change presque rien. 
Les dominants peuvent se plaindre d’un gouvernement de gauche, ils peuvent se plaindre d’un gouvernement de droite, mais un gouvernement ne leur cause jamais de problèmes de digestion, un gouvernement ne leur broie jamais le dos, un gouvernement ne les pousse jamais vers la mer. La politique ne change pas leur vie, ou si peu. Ça aussi c’est étrange, c’est eux qui font la politique alors que la politique n’a presque aucun effet sur leur vie. Pour les dominants, le plus souvent, la politique est une question esthétique : une manière de penser, une manière de voir le monde, de construire sa personne. Pour nous, c’était vivre ou mourir.

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On ne dit jamais fainéant pour nommer un patron qui reste toute la journée assis dans un bureau à donner des ordres aux autres.

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Hollande, Valls, El Khomri, Hirsch, Sarkozy, Macron, Bertrand, Chirac. L’histoire de ta souffrance porte des noms. L’histoire de ta vie est l’histoire de ces personnes qui se sont succédées pour t’abattre. L’histoire de ton corps est l’histoire de ces noms qui se sont succédés pour le détruire. L’histoire de ton corps accuse l’histoire politique.


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