À propos de « Quelque chose d’elle » de Jackie Dervichian, éditions Dergham, Beyrouth, 2018
À qui veut comprendre quelque chose au mystère du Liban, il faut lire « Quelque chose d’elle » de Jackie Dervichian.
En effet, avec tout son coeur, et comme c’est un coeur immense, son livre dit un peu, beaucoup, à la folie quelque chose d’elle.
On y découvre un tissus d’émotions à fleur de peau, dans cette vie moyen-orientale chahutée par les identités et les migrations.
On traverse avec l’héroïne la tendresse partagée d’une mère, d’un père qui savent toute la difficulté d’être d’ailleurs, d’ici, de partout, éternellement chahuté de pays en pays, sans vraiment pouvoir planter ses racines quelque part, ou si ces racines existent, l’endroit en est interdit d’accès, les rejetant en éternel exil.
C’est toute la force et la faiblesse du Liban, dernier pays héritier d’une cosmopolitisme sacrifié sur l’autel des particularismes, des nationalismes.
Ce Liban là, multiculturel, véritable mosaïque, vibre dans ce foisonnement, cette exubérance.
On suit pas à pas, au rythme d’une prose poétique toute de tendresse et d’amour, les pas balbutiant de Saune.
Il lui en faut de la tendresse et de l’amour pour franchir les obstacles, avancer en terre tantôt accueillante, tantôt ravagée par les bombes et les attentats.
Lorsqu’on vit dans le confort européen, on a du mal à sentir tout ce qu’il faut d’amour pour survivre à l’hostilité, traverser les périodes où les communautés s’opposent jusqu’à s’entretuer.
Pourtant c’est ce qu’il lui faut, à Saune, cet amour salvateur qui est là, entre les lignes, comme une main tendue pour aider à ne retenir que la tendresse du monde.
C’est toute la force de l’écriture de Jackie Dervichian que de nous donner à sentir, à voir. Les mots se font poème, chant vibrant au rythme des battements du coeur.
Tout est là, il ne manque que les images. Bien que, en fermant les yeux et en suivant le rythme des phrases, on voit, on imagine.
L’amour est tellement fort qu’il n’est plus de frontières, plus de barrières.
C’est un monde qui s’ouvre où les convulsions du siècle se trouvent apaisées d’une main fraîche sur le front fiévreux.
C’est une étoile qui brille dans le ciel d’Orient et donne envie d’ouvrir les bras et de la bercer, Saune, sauvage et rebelle, belle comme un jour oriental, si pleine de son histoire qui traverse les spasmes de l’Histoire.
On imagine cet élan retenu, cette infinie douceur qui se décline au fil d’une vie, ce baiser qui s’esquisse mais ne s’exprime pas, sinon dans un murmure intérieur.
C’est un film dont les images en noir et blanc, ou en couleur sépia donnerait envie de ne cesser de le regarder pour la seule beauté des âmes qui se croisent.
C’est un hymne d’amour permanent, déposé sur les paupières du soir, un baiser tendre sur le front des étoiles, histoire de poursuivre dans les rêves toute la beauté de vivre.
Xavier LAINÉ
15 septembre 2021
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